Le tragique destin de Dominique QUILICI
Dominique QUILICI est né en Décembre 1899. Il est le fils de Mathieu QUILICI né en 1869.
Dominique QUILICI
En 1915, alors que son père était mobilisé, sa maman mourut le laissant, âgé de 16 ans à peine. Il fut recueilli chez Angèle, la sœur de son père, qui prit soin de lui. Elle continua à le faire, mais pour lui, la perte était irréparable. Physiquement et intellectuellement il ressemblait à sa mère. Mathieu était de taille moyenne, il devait mesurer 1m65 environ, et sa femme devait être plus grande que lui. La mère et le fils étaient très liés; tant qu’il a eu sa mère, Dominique était brillant en classe, apprenait le violon, écrivait, dessinait, surtout des caricatures. Sa mère disparue, il lâcha tout d’abord la classe; il devait passer son bac (première partie à l’époque), il le rata. Sa tante ne savait pas le prendre. Elle était sévère et n’hésitait pas à lui taper dessus! Ce qui bien sûr allait à l’encontre des résultats escomptés…
Dominique QUILICI – 15 ans
Mathieu fut démobilisé. Dominique étant renvoyé du lycée, son père dût le faire inscrire à Chambéry comme interne! L’internat était dur pour Dominique. Il finit par décrocher son bac après bien des péripéties et… d’aventures galantes! Il ne put avoir la deuxième partie du bac, car une fois de plus, il se faisait renvoyer du lycée! Son père voulait qu’il fasse l’école de police pour devenir commissaire!… Là non plus, ça ne marcha pas… Il avait fait la connaissance d’une femme plus âgée que lui, mariée; il s’était tellement compromis avec elle, que pour éviter un scandale, Mathieu prit la décision de le faire « s’engager » pour le Maroc. Il devança l’appel, et c’est Louis MANCINI, cousin germain de Mathieu, qui l’avait rejoint à Lyon, qui fut chargé de lui faire signer son engagement ; en effet, son père l’avait mis à la porte et c’est Tsiu Louis qui l’avait recueilli…
Le pauvre Tsiu Louis n’approuvait pas la décision de son cousin car précisément en 1920, il y avait la guerre du Rif!… Ca bardait au Maroc. Il signa donc un engagement de 5 ans dans un régiment de Spahis et il eut à l’adresse de Tsiu Louis une phrase si dure que ce dernier ne se le serait jamais pardonné s’il lui était arrivé malheur: « Vous venez de me faire signer ma condamnation à mort! »…
Heureusement, il eut la vie sauve, et il trouva même moyen de ramener de là-bas sa femme qu’il avait rencontrée sur le bateau à l’occasion d’un retour en France. Elle s’appelait Madeleine et était originaire du Berry. Son père était un gros propriétaire dans cette région et maquignon de surcroît! Elle était de « bonne famille »; son frère, chez qui elle avait passé des vacances, était un colon important à Fez où il était aussi président de la chambre de commerce.
Dominique et Madeleine QUILICI
Ils eurent une fille Simone (Rédactrice à la banque de France à Marseille). Alors que Mathieu continuait ses activités policières, son fils Dominique, à son retour du Maroc, rentra lui aussi dans la police.
Sa carrière fut originale; il faisait souvent la une des journaux à Lyon! Il avait été affecté à la brigade des stupéfiants. Il se déguisait en malfrat pour pénétrer dans la pègre. Il fit des arrestations spectaculaires, mais dût changer de spécialité car il était « grillé » à Lyon. Il fut nommé à la brigade des jeux et faisait les beaux soirs des casinos de la côte d’azur!… Puis il fut commissaire de police à Dijon et à Bastia. Mais, à cause de sa femme qui s’y ennuyait, il demanda sa mutation et fut nommé divisionnaire à Marseille, à la Brigade Mobile.
Dominique QUILICI, debout au centre, en compagnie de collègues, et de son jeune demi-frère Jeannot – De passage en Corse à l’occasion de l’affaire SPADA en 1933.
Dominique QUILICI
Et puis ce fut 39/40…. Madeleine QUILICI, sa cousine raconte :
« Je le revis pour la dernière fois en Juin 1940 lorsque je rentrais en Corse. Je me souviens que Dominique était venu m’attendre à Marseille. Je le revois à la gare, s’occupant de mes bagages et de ma gosse, m’amenant au bateau en me recommandant à des tas de gens… Il me dit à l’époque, qu’officiellement, il ne faisait plus parti de la police (Vichy), et qu’il avait intérêt à se cacher… C’est pourquoi il ne m’avait pas emmené chez lui! Il avait un culot monstre: il m’avait accompagné partout au risque d’être reconnu… Il me disait: « T’en fais pas, j’ai la baraka; je l’ai eue au Maroc et je l’ai ramenée! » Il plaisantait tout le temps! Ce qui devait arriver arriva: sur une dénonciation, il fut arrêté par la gestapo et mis dans un train à destination de Paris. Il sauta du train en marche, dans la campagne, près de Toulon; il y avait là, au milieu des oliviers un petit Corse (Nonce-Marie Ambrosini) qui habitait un mas où il se cachait à la suite « d’une affaire »… Dominique le connaissait bien, ses parents étaient de Speloncato. Il se cacha chez lui, le temps de soigner une blessure à la jambe qu’il s’était faite en sautant du train. Hélas, il fut impatient et imprudent, il quitta sa cachette pour rentrer à Marseille et retrouver son « réseau ».
Au bout d’un mois il fut repris, et cette fois gardé à la gestapo à Marseille. Il fut interrogé, torturé, mais n’a donné aucun renseignement. Il y avait un café en bas de l’immeuble où se tenait la gestapo; il écrivait des billets à sa fille qui était au lycée à Marseille et qui, tous les jours passait devant. Le dernier qu’elle reçut disait à peu près: « Il vaut mieux mourir debout que vivre à genoux… » Je crois qu’il mourut six mois après son arrestation, il avait 42 ans… La police française fut informée d’avoir à le reconnaître et procéder à l’enterrement. Il était parait-il méconnaissable, si bien que ses collègues n’ont pas voulu que sa femme et sa fille le voient (d’après eux, il devait peser dans les trente kilo…) »
Ce fut terrible pour son père Mathieu.
A Speloncato quand on apprit la terrible nouvelle, on dut réconforter sa tante (pas Angèle, mais Marie). Elle était très croyante, et tout le village assista à la messe qu’elle fit dire à sa mémoire.
C’est pendant un séjour de Madeleine chez la Tante Angèle qu’elle lui fit voir les « souvenirs » de Dominique: ses écrits (il y en avait des cahiers!) et ses dessins. Elles parlaient beaucoup de lui. Angèle avait eu un réel chagrin à sa mort, et les années aidant, elle avait oublié ses frasques pour se rappeler seulement le garçon charmeur qu’il avait été et devant lequel elle avait souvent « capitulé »!
Angèle QUILICI
Dominique en compagnie de sa cousine Madeleine
Références bibliographiques :
* « A SANTA FAMIGLIA ou Les Mémoires d’une Grand-Mère Corse » – Madeleine QUILICI
Philippe CLEMENT – « Di a Volpe » Editions – 2001